Pour les États-Unis, la Route de la Soie représente un défi de taille. Depuis des décennies, Washington exerce une influence dominante sur le commerce mondial et sur les stratégies d'infrastructure. L'initiative chinoise remettant en cause cet ordre mondial inquiète. En particulier, les États-Unis redoutent une expansion de l'influence de la Chine à travers des investissements colossaux dans des projets d'infrastructure dans des régions stratégiques, allant de l'Asie du Sud-Est à l'Afrique. La peur d'une dépendance économique croissante à la Chine dans ces régions alarme les États-Unis, qui cherchent à contrer cette nouvelle forme de colonisation économique.
Les tensions se manifestent non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan militaire et politique. En effet, la construction d'infrastructures stratégiques pourrait permettre à la Chine de renforcer ses positions en matière de défense et d'influence, notamment dans des zones clés comme le Moyen-Orient et l'Afrique. C’est donc un enjeu direct pour la superpuissance américaine, qui se voit forcée de réagir, notamment par des sanctions économiques et des partenariats alternatifs, mais aussi par des initiatives visant à redorer son image dans ces régions, face à l’influence grandissante de la Chine.
Tandis que les États-Unis redoutent cette initiative chinoise, de nombreux pays en Asie, en Europe, en Amérique et dans les Caraïbes y voient une occasion unique de développer leurs infrastructures, d'améliorer leurs connexions commerciales et d'attirer des investissements étrangers (...)
L’Amérique latine et les Caraïbes, de leur côté, ne sont pas en reste. Des pays comme le Venezuela, Cuba, et le Nicaragua ont vu dans la BRI une opportunité d’attirer des investissements chinois pour stimuler leur développement économique. Les États insulaires des Caraïbes, quant à eux, profitent de nouveaux projets d'infrastructure qui viennent améliorer leurs conditions de transport et leurs connexions commerciales avec le reste du monde.
La Route de la Soie, un projet stratégique d’une ampleur inédite, marque un tournant dans les relations économiques mondiales. Tandis que les États-Unis s’inquiètent de l'influence croissante de la Chine à travers ce projet, de nombreux pays à travers le monde, notamment en Asie, en Europe, en Amérique et dans les Caraïbes, voient dans la BRI une opportunité d’accélérer leur développement.
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walletjerome
Washington a doublé, à 60 milliards de dollars, le budget annuel de son agence de développement rebaptisée International Development Finance Corporation (DFC). Fin 2019, elle a prêté 190 millions de dollars à une entreprise américaine pour aménager le plus grand réseau de câbles sous-marins à fibres optiques entre les Etats-Unis et l’Asie, une alternative à celui construit par le chinois Huawei.
Le Monde , Par Julien Bouissou Publié le 13 décembre 2021
Si le chef de la diplomatie américaine était prêt à faire le déplacement à Paris, ce n’était par pour participer à une énième conférence sur « l’investissement dans des infrastructures de qualité »,mais bien pour présenter devant les représentants des alliés les plus proches de Washington les grandes lignes du projet multilatéral baptisé «Blue Dot Network (BDN) », lancé sous l’administration Trump et réactivépar celle de son successeur à la présidence.
Dévoilée pour la première fois en novembre 2019, lors de la 35e assemblée de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) organisée à Bangkok, cette initiative a pour ambition d’équiper les pays en développement d’infrastructures modèles et réalisées en toute transparence, dans le respect des normes environnementales et des lois de rentabilité du marché.(...)
DFC, acteur central de l’initiative Blue Dot Network, est très présent en Afrique. L’an dernier, l’institution américaine a approuvé pas moins de 650 millions de dollars de financements pour des projets menés en Afrique et des institutions établies sur le continent, dont un prêt de 250 millions de dollars en faveur d’Africa Finance Corporation, spécialiste des infrastructures, un crédit de 50 millions de dollars pour la construction d’un hôtel Marriott à Addis-Abeba, et un autre de 200 millions de dollars pour la construction de la Centrale électrique de Temane, au Mozambique. (...)
Dans son ouvrage le Grand Echiquier, Zbigniew Brzezinski écrit que toute nation qui désire s’affirmer comme la première puissance mondiale doit contrôler le continent eurasiatique. Paru en 1997, cet ouvrage est un classique de stratégie et de géopolitique et donne un éclairage intéressant de la politique extérieure des Etats-Unis. Elle explique leur constant besoin d’influence en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, et explique les rapports de force durant la Guerre froide de façon pertinente.
De nos jours, cet ouvrage paraît toujoursaussi éclairant. Alors que la puissance des Etats-Unis est mise en concurrence par la Chine, leurs volontés d’assoir leur influence sur cet espace est manifeste et s’observe aisément. Dans le cas de la Chine, cette volonté se nomme « Belt and Road Initiative », que l’on nomme en français le projet des nouvelles routes de la soie. Ce projet qui se veut concurrent aux moyens d’acheminements actuels, c’est à dire essentiellement maritime et terrestre, est une façon non seulement de faciliter les exportations chinoises, mais aussi d’étendre son influence.(...)
Évidemment, les Etats-Unis ne voient pas cette initiative d’un bon œil. Si passer par la terre est pour l’instant plus onéreux que la voie classique, ce ne sera pas toujours le cas, et ces nouvelles routes de la soie permettant déjà de réduire les temps de trajet entre la Chine et l’Europe. De plus, l’investissement continu dans ces infrastructures va permettre de réduire encore plus les temps de transit. Ces nouvelles routes de la soie évite largement les partenaires privilégiés des Etats-Unis dans le Golfe Arabo-persique et leur préfère l’Iran. Les nouvelles routes de la soie sont donc un excellent moyen pour la Chine de développer son influence, au détriment des Etats-Unis, en établissantdes voies de communications qui échappent à leur contrôle et à celui de ses partenaires privilégiés, au profit de ceux qui ont fait le choix de la République Populaire.(...)
Pour l’instant, cette lutte d’influence se situe dans deux territoires clés : l’Asie de l’Est, point d’entrée du continent, et le moyen-orient, pivot fondamental pour le contrôle des flux de marchandises et de ressources clés pour les activités économiques.
C’est notamment pour ces raisons que la VIIe flotte des Etats-Unis, autrefois considérée comme toute puissante dans le Pacifique mène régulièrement des opérations de « liberté de navigation », les fameuses FONOM. La marine chinoise s’y oppose de plus en plus. Plusieurs incidents ont eu lieu cette année, où il y a failli avoir plusieurs collisions entre navires chinois et états-uniens. Le renforcement des capacités navales chinoises est manifeste, avec la mise en service de deux porte avions, le troisième, nucléaire, de fabrication entièrement chinoise, étant à venir.
Le deuxième territoire où se déroule cet affrontement d’influences est au Moyen-Orient. Les Etats-Unis cherchent à imposer leur volonté à l’Iran, alors que la Chine y développe des partenariats commerciaux. Washington rêve de remplacer le régime actuel en un régime pro-américain. Les discours du conseiller de la Maison Blanche à la sécurité, John Bolton, sont tout à fait explicites sur la question.