L'État français a mis en fiches, retranché de la société, dépouillé de leurs biens les Juifs, ressortissants étrangers ou nationaux, vivant en France entre 1940 et 1944. Il a procédé à l'arrestation et à l'internement de plusieurs dizaines de milliers d'entre eux, avant de les livrer aux convois nazis en route vers les camps d'extermination. Il aura fallu cinquante ans pour qu'un président de la République reconnaisse officiellement cette évidence, lors de la commémoration de la rafle du Vel ‘d'Hiv', en juillet 1995. Il aura fallu plus de deux ans encore après ce discours de Jacques Chirac pour que s'ouvre le procès de Maurice Papon, haut fonctionnaire qui organisa les arrestations de Juifs à Bordeaux et leur transfert à Drancy, antichambre des camps de la mort. Il est juste qu'un homme soupçonné d'avoir été l'un des auxiliaires français de la « solution finale » soit traduit devant une cour d'assises. […]Au-delà de la sanction qui sera appliquée à Papon, c'est, une dernière fois, la réalité du régime de Vichy qui sera passée au crible des témoignages et des documents sur l'action d'un secrétaire général de préfecture, à Bordeaux, de 1942 à 1944.Éditorial du journal Le Monde, 8 octobre 1997.