logique et dynamique des espaces de production
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Silicon Valley | Courrier international
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Une Silicon Valley intégrée dans les réseaux productifs mondiaux

Dans ce contexte, les firmes de la Silicon Valley sont largement intégrées dans la mondialisation comme l’illustre le poids de l’étranger dans leur chiffre d’affaires. Pour autant, au-delà de quelques exceptions comme Google ou Flextronic, qui est un grand sous-traitant, la localisation de leurs actifs – terme qui définit le patrimoine financier et non financier d’une firme – demeure encore largement ancrée dans leur base nationale et régionale. Apple localise encore 61 % de ses actifs aux États-Unis, 71 % pour Intel.

Ceci s’explique par le fait que l’insertion des hautes technologies étatsuniennes dans la mondialisation s’est traduite par une externalisation progressive des productions concrètes manufacturières en voie de banalisation (par exemple avec le recours d’Apple aux sous-traitants asiatiques comme Foxconn) au profit d’une spécialisation croissante dans les fonctions abstraites de la production d’un côté (conception, recherche, design, architecture des systèmes) et les fonctions de commandement et de gestion mondiale (sièges sociaux et administratifs) de l’autre. Cette « nouvelle division internationale du travail », dans laquelle la Silicon Valley joua un rôle moteur comme laboratoire dès la décennie 1980, a un effet géographique immédiat sur le territoire des États-Unis : il contribue au net renforcement du processus de métropolisation avec une concentration croissante des activités abstraites, de recherche et d’innovation sur le haut de la hiérarchie urbaine. Mondialisation et métropolisation sont dans ce cas précis les deux facettes d’une même médaille.

La sous-traitance électronique est à cet égard emblématique des contradictions accumulées et des enjeux d’avenir. Ces dernières décennies, les firmes transnationales nord-américaines de l’informatique (IBM, Cisco, Hewlett Packard, Dell, Apple…), des télécommunications (Lucent, Motorola…) ou de l'électronique grand public ont externalisé leur production manufacturière en se fondant sur une segmentation fonctionnelle, technique, sociale et géographique de plus en plus poussée de leur système productif. Ces donneurs d’ordres font ainsi des économies de capital (pas d’immobilisations dans la production physique et les stocks), transfèrent les risques de sous-utilisation des capacités productives et se débarrassent des problèmes logistiques, d’approvisionnement et de toute revendication sociale et salariale. C’est la Silicon Valley qui est à l’origine de ce nouveau modèle productif dans les années 1980 avec Flextronics, fondé aux États-Unis en 1969, et Sanmina. On a vu alors apparaître des « fabricants sous contrats » ou Contract Manufacturers (CM), qui assemblent, pour le compte des grands groupes, le hardware, la partie matérielle des systèmes électroniques. Mais en transférant emplois, capitaux, savoir-faire et technologies, ce processus a permis à l’Asie, en particulier à Taïwan et à la Chine, de se doter de bases industrielles et surtout de nouvelles entreprises qui, de la simple sous-traitance, sont passées progressivement au développement puis à la conception sur des bases autonomes de produits toujours plus élaborés pour devenir parfois des rivaux redoutables.
Géoconfluence
Dans la mondialisation, la Silicon Valley est un important pôle de commandement mondial du fait de la présence des sièges sociaux de nombreuses firmes de premier rang. En 2018, les 23 plus grandes firmes emploient 112 200 salariés localement, mais gèrent l’activité de plus d’1,2 million de salariés directs dans le monde dans des centaines de pays. À ceci s’ajoute la chaîne de valeur organisée par les très importants réseaux de fournisseurs et sous-traitants qui quadrillent le monde, en particulier en Asie et en Europe. Enfin, cette influence est tout autant scientifique, technologique, économique, que culturelle et sociale, comme en témoigne le rôle majeur de firmes comme Google, Apple, Facebook, PayPal, eBay, LinkedIn, Yahoo ou Netflix dans la vie quotidienne des ménages du monde entier.
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Le rôle des activités militaires dans le développement de la Silicon Valley

Le centre de recherche J. S. Ames (ARC) de la NASA est fondé dès 1939 à Mountain View sur la base aéronavale W. A. Moffett. Il emploie aujourd’hui 2 300 chercheurs spécialisés dans les grands programmes des vols aérospatiaux (souffleries aérodynamiques…), l’imagerie, la robotique, la gestion du trafic aérien, les technologies de l’information (intelligence artificielle) et l’informatique embarquée. Dans ce cadre, la NAS (NASA Advanced Supercomputing Division, créée en 1982) dispose d’un potentiel gigantesque de calcul grâce à un parc de superordinateurs parmi les plus puissants au monde.

Le grand essor de la Silicon Valley débute en fait dans les années 1950-1960 avec la guerre froide et l’explosion des budgets militaires du Pentagone qui dope l’économie locale et régionale. Ainsi, de 1960 à 2010, l’US Air Force dispose à Sunnyvale d’une base pour le contrôle des satellites militaires (Air Force Satellite Test Center). Le nom de Silicon Valley – la vallée du silicone – est lui-même directement lié au développement des composants électroniques pour l’informatique (calculs balistiques et pour la force nucléaire) et l’électronique embarquée (systèmes d’armements, fusées, missiles…). Rappelons aussi que l’internet n’aurait jamais vu le jour sans l’ARPANET, le premier réseau à transferts de paquets développé au tournant des années 1960-1970 par l’Advanced Research Projects Agency (ARPA), l’ancêtre de la DARPA, l’Agence innovation du Pentagone, créée justement en 1958 par le Président Eisenhower pour contrer l’URSS à la suite du lancement du Spoutnik.
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L’université technologique de Stanford : au cœur de la création de la Silicon Valley

L’université de Stanford joua un rôle déterminant dans la création puis le développement de la Silicon Valley. Fondée en 1891 par Leland et Lena Stanford, la Leland Stanford Junior University – ou Université Stanford – fut l’une des premières universités technologiques des États-Unis lors de la seconde révolution industrielle. Leland Stanford symbolise alors la collusion, courante aux Etats-Unis, entre le milieu des affaires et le pouvoir politique puisqu’il fit fortune dans les chemins de fer, alors en plein déploiement, avant de devenir gouverneur puis sénateur de l’État de Californie. Dès l’origine, la pratique de l’essaimage – c’est à dire la création de petites entreprises innovantes par des ingénieurs et cadres de grandes firmes ou institutions de recherche – est mise en œuvre. Ainsi, dans les années 1930, William Hewlett et David Packard, anciens étudiants, sont les fondateurs de ce qui deviendra le groupe informatique Hewlett-Packard, qui garde encore aujourd’hui son siège social à proximité. Sergey Brin et Larry Page, les deux fondateurs de Google, née en 1998 à Mountain View, étaient eux aussi étudiants à Stanford, tout comme David Fillo et Jerry Yang les fondateurs de Yahoo, née à Sunnyvale en 1995. Ce processus d’essaimage se diffuse largement comme en témoigne le mathématicien John Warnock qui quitte le Palo Alto Research Center de Xerox en 1982 pour fonder l'entreprise Adobe.
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Paris-Saclay, la Silicon Valley à la française
Au sud-ouest de Paris est en train d’émerger un pôle d’innovation de rang mondial. Universités, grandes écoles et centres de R&D affluent sur le site Paris-Saclay, qui réunit déjà 15% de la recherche privée et publique française.
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le Monde 7 janvier 2020