Axe 2 : Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique
Le mandarin quant à lui compte à ce jour plus de locuteurs natifs que d’autres types de locuteurs. Cependant, cette tendance évolue rapidement pour des raisons du fort potentiel économique de la Chine, notamment dans le domaine du numérique. De la nouvelle offre de réseaux sociaux et de plateforme de e-commerce à la 5G la Chine est en pleine expansion dans le monde et séduit fortement en Europe. Ainsi le nombre d’élèves à choisir le chinois au collège et au lycée a doublé entre 2008 et 2018. Même si leur pourcentage reste encore faible, autour de 1%, l’évolution fulgurante mérite d’être soulignée. C’est aussi en 2018 que la barre de 100 000 apprenants en France a été franchie, ce qui en fait le premier pays d’Europe en enseignement du mandarin.
La Chine deuxième puissance économique mondiale est un grand exportateur des matières premières industrielles et des technologies. Elle tient aussi une bonne place comme importateur de nombreux produits d’énergies fossiles et d’agroalimentaire, ainsi que de biens de consommation et de véhicules de manière croissante. De ce fait l’attractivité de la Chine entraine naturellement l’acquisition du mandarin par un nombre croissant de personne dans le monde entier. A l’Université de Harvard et de Princeton aux Etats Unis par exemple, le mandarin est en deuxième position des langues étrangères étudiées après l’espagnol. Il devient indispensable pour les entreprises cherchant leurcroissance à l’export de recruter des spécialistes de la Chine et des personnels parlant le mandarin en France comme dans d’autres pays afin de partir à la conquête de la classe moyenne chinoise.
Collectif
Un collectif de chercheurs dénonce, dans une tribune au « Monde », la passivité de certains musées face aux ingérences de la République populaire de Chine à propos des cultures qu’elle souhaite étouffer.
Publié le 31 août 2024 Journal Le MondeAlors que la France veut se doter d’une loi visant à prévenir les ingérences étrangères, rien ne semble arrêter celles de la République populaire de Chine (RPC) dans deux de nos grands musées : le Musée du quai Branly et le Musée Guimet. Désormais, la terminologie employée dans ces institutions reflète les desiderata de Pékin en matière de réécriture de l’histoire et d’effacement programmé des peuples non han qui ont été intégrés ou annexés par la RPC, cela jusqu’à en perdre aujourd’hui leur propre ethnonyme et celui de leur territoire ancestral.
Ainsi, on ne peut que s’étonner de la suppression, dans le catalogue des objets tibétains du Musée du quai Branly, du nom « Tibet » au profit de l’appellation chinoise « région autonome du Xizang ». Cette modification n’est que l’application d’une loi en vigueur depuis 2023 en RPC et montre bien la volonté que le Tibet, occupé et colonisé depuis 1950, doit être rayé des cartes et des consciences, au présent comme au passé. Au Musée Guimet, « monde himalayen » a remplacé le toponyme Tibet dans les salles qui lui sont consacrées.[...]
Le choix de nos musées, ainsi que de certaines de nos institutions universitaires qui abritent les relais de la propagande chinoise que sont les Instituts Confucius, est de ne pas heurter le régime de Pékin et sa sensibilité nationaliste exacerbée. Toute déviation du grand récit qu’encadre la nouvelle « pensée Xi Jinping » (sic) est jugée provocation ou tentative de séparatisme. Nos institutions veulent préserver à tout prix leur accès aux terrains de recherche, aux sources et aux archives chinoises, et bénéficier des largesses financières et des prêts d’objets muséographiques dépendant de la bonne volonté du régime chinois. Alors, on amadoue la puissance menaçante qu’est devenue la Chine de Xi Jinping et l’on courbe l’échine devant ses exigences de réécriture de l’histoire et d’effacement des peuples.
Pourtant, toutes nos institutions ne croient pas qu’il faille accepter de telles ingérences. Le Musée d’histoire de Nantes, qui programmait une exposition consacrée à Gengis Khan, s’est heurté à la censure chinoise il y a quelques années. Cependant son directeur a refusé qu’en contrepartie du prêt d’objets par la Chine, le nom de Gengis Khan soit effacé, tout comme l’histoire et la culture mongoles, au bénéfice du nouveau récit national. Il a donc choisi de faire appel aux collections des musées de Mongolie et à des collections privées. Sa décision a abouti en 2023 à l’organisation d’une exposition d’une haute tenue scientifique, sans la participation chinoise.