Le roi de la transition démocratique
Autant dire que, lorsque la transition démocratique s'amorce en Espagne,Juan Carlos Ier a tout pour devenir un monarque potiche : les franquistes l'ont à l'oeil, le chef du gouvernement Carlos Arias le phagocyte, les socialistes le méprisent, les communistes le détestent.
Pourtant, son rôle sera historique. Sous son règne, l'Espagne rompt avec son splendide isolement et rejoint le cortège des nations démocratiques. Dès sa prise de fonctions, il déclare : "Aujourd'hui commence une nouvelle étape de l'histoire d'Espagne." Et il le prouve : s'appuyant sur Adolfo Suárez, issu de l'appareil franquiste, il organise des élections libres en 1977 et initie, l'année suivante, la rédaction d'une nouvelle Constitution, toujours en vigueur.
Son heure de gloire survient le 22 février 1981. Un officier putschiste, le lieutenant-colonel Tejero, fait une tentative de coup d'État et, avec quelques hommes, s'empare de la Chambre des députés, à Madrid. Au cours d'une nuit où tout peut basculer, Juan Carlos exige de tous les chefs militaires qu'ils fassent serment de loyauté démocratique et obtient
gain de cause. Jamais, depuis, sa légitimité n'a été remise en cause. Aucun des six monarques ayant régné depuis le XIXe siècle (entre 1808 et 1931) n'a été aussi populaire et respecté. La majorité des Espagnols, loin de se dire monarchistes, s'affichent comme des "juancarlistes". Y compris le leader historique des communistes, Santiago Carrillo, devenu un ami et qui, un jour, dit de lui : "Il a eu l'immense mérite de renoncer au pouvoir absolu." Une unanimité qui lui a permis d'imposer son fils, le prince Felipe, comme son successeur naturel.
Le Point , 2/06/2014, F Musseau