Jalon 2 Crises et fin de la démocratie : Le Chili 1970-1973
Jalon 3 D'un régime autoritaire à la démocratie : Le Portugal et l'Espagne de 1974 à 1982

Thème 1 DEMOCRATIE
AXE 2 Avancées et reculs des démocraties
chronologie
 

Les premières mesures de Salvador Allende.

Ces mesures, qui contribuèrent à l'élection d'Allende, reprennent le programme socialiste de l'Unité populaire, coalition de gauche formée le 17 décembre 1969

1. Suppression des traitements fabuleux

2. Suppression des postes d'experts placés hors du tableau d'avancement normal des fonctionnaires

3. Honnêteté administrative (faire du favoritisme, inamovibilité des fonctionnaires)

4. Plus de voyages coûteux à l'étranger (…)

6. L'administration ne fabriquera pas de nouveaux riches (contrôle rigoureux du patrimoine et des revenus des hauts fonctionnaires)

7. Des retraites justes, pas de retraites de millionnaires (abaissement des retraites les plus élevées du secteur public et privé et utilisation de ces fonds pour améliorer les retraites les plus basses)

8. Droit au repos en temps opportun et dans la justice (retraite à 60 ans, y compris à ceux qui n'ont pas pu cotiser)

9. Sécurité sociale pour tous

10. Du lait pour tous les enfants chiliens (Nous nous engageons à fournir un demi-litre de lait par jour gratuitement à tous les enfants du Chili)

 
 

Le rôle des États-Unis

Le concours matériel apporté par la CIA à l'organisation de l'assassinat fait désormais d'autant moins de doute que, (…) dans le film Le Dernier Combat de Salvador Allende, Paul Wimert, attaché militaire des États-Unis au moment des faits, confesse très tranquillement, dans une interview, avoir remis aux comploteurs armes et argent.

Le Président Gérald Ford devait, pour sa part, vendre définitivement (en 1977) la mèche (…). Non seulement reconnut-il explicitement la participation active de la CIA dans la chute d'Allende, mais encore revendiqua-t-il le droit de son pays à contribuer au renversement de gouvernements constitutionnels étrangers s'ils venaient à afficher des tendances jugées, par lui, inacceptables. Quitte à avoir recours à la corruption et à la violence.

Antoine Blanco, Salvatore Allende. L'autre 11 septembre, Editions Bruno Leprince, 2 003

1972, le début de l'épreuve de force

Tandis que le gouvernement d'Allende est contesté par l'extrême gauche qui lui reproche la timidité de ces mesures, ses opposants de droite organisaient un grand mouvement de grève visant à déstabiliser le régime.

Les hostilités commencent le 11 octobre avec la grève illimitée proclamée par la corporation des transporteurs routiers (…). Se joignent à cette grève, dans les jours qui suivent, les commerçants de détail dès le 13 puis l'ordre des médecins, des architectes, des avocats ; les syndicats d'employés de banques et pratiquement toutes les associations de professionnels de « classe moyenne » (…). Finalement les patrons des usines tentent à leur tour d’arrêter la production (…).

Face à cette situation, le gouvernement procède à des réquisitions (…). L'intervention de l'Etat dans une série de services et d'entreprises est décidée (…). A partir du 15 octobre, les collectifs ouvriers prennent en main la production et organisent la sécurité contre les attentats terroristes qui se multiplient contre les installations.

Le Chili sous Allende, présentation par Alain Joxe, sociologue et géopoliticien, Editions Gallimard, « Archives », 1974

a nationalisation des mines de cuivre

En juillet 1971, Allende décrète la nationalisation du cuivre, auparavant contrôlé par les Etats-Unis. Ceux-ci répliquent aussitôt par le boycott des prêts internationaux au Chili. Les difficultés économiques du pays s'accroissent.

C'est de ces ressources que dépend l'issue du combat que livre le Chili pour soustraire la plus grande partie de son peuple à la misère matérielle, à l'exploitation de l'homme par l'homme, à l'intérieur, et à la subordination étrangère, à l'extérieur. Les 2/3 de nos revenus en devises et le financement de près d'un quart du budget de la nation proviennent de l'exploitation du cuivre.

Extrait du décret de nationalisation du cuivre, juillet 1971

Les États-Unis s'inquiètent de l'élection présidentielle chilienne

Au cours d'une réunion tenue avec les directeurs de journaux, à Chicago, un haut fonctionnaire de la Maison Blanche a déclaré, de son côté, que, si le sénateur Allende devenait président de la République, le Chili tomberait sous la coupe d'un régime communiste dont l'influence s’exercerait inévitablement en Argentine (…) et en Bolivie.

Ces commentaires laconiques traduisent bien l’appréhension de Washington. Pendant des mois, la presse des Etats-Unis avait répété que M. Jorge Alessandri, candidat de la droite, avait toutes les chances de succéder au président démocrate-chrétien Eduardo Frei. Et des personnalités américaines n'avaient pas hésité en sous-main à conseiller aux dirigeants de Santiago de favoriser sa candidature. Les résultats du scrutin [du 4 septembre 1970 qui donne la victoire à Allende] ont déjoué leurs espoirs et leurs calculs. Appuyé par une coalition de 6 partis politiques, le sénateur Allende a battu ses deux adversaires, en remportant 36,3 % des suffrages exprimés, soit 40 000 voix de plus environ que M. Alessandri. Déjà, en 1969, à Santiago-du-Chili, le candidat de l'Unité populaire nous avait fait remarquer que, « mathématiquement », il ne pouvait pas perdre les élections (…). Soutenu jusqu’alors par les communistes et les socialistes, il a reçu cette fois-ci l'appoint des voix du Parti radical et de l’aile dissidente de la démocratie-chrétienne.

Edouard Bailby, « M. Salvador Allende joue la conciliation »,Le Monde diplomatique, octobre 1970

Allende critiqué

Auparavant, nous craignions de voir le mouvement vers le socialisme fléchir et aboutir à un gouvernement centriste, réformiste, démocrate-bourgeois (…). Nous avons désormais la certitude que nous suivons une pente qui nous conduira inévitablement au fascisme (…). Nous exigeons que le programme de l'Unité populaire soit appliqué (…). 3 ans ont passé, camarade Allende, et vous ne vous êtes pas appuyé sur les masses et désormais nous les travailleurs avons perdu confiance (…). En octobre 1972, lorsque la volonté et l'organisation de la classe ouvrière permirent au pays de continuer d'avancer face à la grève patronale (…), lorsqu'on aurait pu asséner le coup de grâce à la bourgeoisie, vous ne nous avez pas fait confiance (…). La droite s'est dotée d'un appareil terroriste si puissant et organisé qu'il est à n'en pas douter financé par la CIA (…). Il n'y a que 2 alternatives : la dictature du prolétariat ou la dictature militaire (…). Le réformisme qui cherche à dialoguer avec ceux qui ont trahi à plusieurs reprises est le chemin le plus court vers le fascisme.

Lettre traduite par Emmanuel Delgado, cité dans Franck Gaudichaud (dir.)Venceremos ! Analyses et documents sur le pouvoir populaire au Chili, Syllepses, 2013

50 ans depuis le coup d’État au Chili
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