Jalon 2 Crises et fin de la démocratie : Le Chili 1970-1973
Jalon 3 D'un régime autoritaire à la démocratie : Le Portugal et l'Espagne de 1974 à 1982

Thème 1 DEMOCRATIE
AXE 2 Avancées et reculs des démocraties
 
 
 
 
Portugal : il y a 50 ans, la révolution des Œillets
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La jeune démocratie portugaise menacée

La crise atteint son paroxysme au cours de l’été 1975, “l’été chaud”, où éclatent au grand jour les contradictions internes au sein du Mouvement des forces armées (MFA) entre communistes, tiers-mondistes, gauchistes et socialistes. Les communistes vont-ils tenter un coup de force? Fin juillet, Otelo de Carvalho, commandant du Copcon (structure militaire) est accueilli dans la liesse au retour d’un voyage à Cuba où il a été reçu par Fidel Castro. Cette crainte s’estompe toutefois début août avec la signature des accords d’Helsinki, consacrant la détente entre l’Est et l’Ouest, sous l’égide du CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe). Dans le nord du pays, en revanche, une réaction contre-révolutionnaire est alimentée par l’Église catholique et des notables, amplifiée par une offensive anti-gauchiste d’éléments de la droite et de l’extrême droite. Alors que les occupations d’usine […] et la mise en route de la réforme agraire suscitent des réactions de peur, le gouvernement de Vasco Gonçalves perd le contrôle de la situation. Lâché par le Parti communiste, de plus en plus isolé, il est contraint de démissionner début septembre. […] La confusion est à son comble.»
Yves Léonard, «25avril 1974: les œillets font la démocratie», Les Collections de L’Histoire, no 63,
«Portugal. L’empire oublié», avril-juin 2014

La transition démocratique selon le socialiste Soares


"La révolution portugaise a été exemplaire. Elle représenta une rupture complète avec l'ancien régime fascisant (...). Le peuple a participé à l'action des militaires (...). Le 25 avril, les journaux ont commencé à paraître sans passer par la censure (...). La révolution portugaise a eu lieu de façon pacifique sans interférence extérieure (...). Les négociations ont eu lieu dans un contexte de légitimité révolutionnaire mené par le MFA. Ce n'était certes pas démocratique (...). Pour avoir une légitimité démocratique il fallait faire des élections. Et ce point a donné lieu au premier conflit entre les socialistes et les communistes, car ils disaient que les élections constitueraient un frein à la révolution (...). L'extrême gauche proclamait que c'était le moment de faire l'économie d'une révolution bourgeoise, démocratique, et de passer directement à une révolution socialiste. Nous, les socialistes, nous soutenions l'organisation immédiate d'élections (...). Notre Constitution de 1976 est une matrice de notre révolution. Nous avons rétabli un certain ordre dans le pays qui était dans une situation économique chaotique (...). En résumé, nous sommes devenus un pays démocratique pluraliste."

Mario Soares, "Mémoires d'avril", Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 80, 2005

Une révolution qui se veut pacifique


Ici le poste de commandement du Mouvement des Forces Armées. Les Forces Armées portugaises appellent tous les habitants de Lisbonne à retourner dans leurs maisons, y demeurer avec le plus grand calme. En espérant sincèrement que la gravité de l’heure que nous vivons ne soit tristement marquée par un quelconque accident personnel, c’est pourquoi nous faisons appel au bon sens des forces militaires pour que soit évité tout affrontement avec les Forces Armées. Un tel affrontement, non seulement inutile, ne pourra conduire qu’à de graves préjudices individuels qui endeuilleront et créeront des divisions entre les Portugais, ce qu’il faut éviter à tout prix. Malgré la vive préoccupation de ne pas faire couler la moindre goutte de sang de quelque Portugais que ce soit, nous faisons appel à l’es- prit civique et professionnel des médecins, en espérant leur venue dans les hôpitaux, pour apporter leur aide, souhaitant que cela ne soit sincèrement pas nécessaire.
Communiqué du Mouvement des Forces Armées, prononcé le 25 avril 1974 à la radio. Cité par Ch. Canto, «Le coup d’État du Mouvement des Forces Armées du 25 avril 1974 au Portugal à partir des archives de la radio», Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2007

Le regard d'un historien sur la transition démocratique portugaise



Ce n'est qu'à partir du début des années 1980 que cette démocratie européenne a pu pleinement s'épanouir, avec la fin de la dualité des pouvoirs entre civils et militaires (révision constitutionnelle de 1982 entérinant la disparition du Conseil de la Révolution), l'élection, pour la première fois depuis plus de soixante ans, d'un civil comme Président de la République (Mario Soares en février 1986) et l'entrée dans la Communauté européenne, le 1er janvier 1986. (...)
Le régime devient progressivement parlementaire dans les années 1980, suite à la révision constitutionnelle de 1982. L'Assemblée de la République, chambre unique du Parlement portugais qui compte aujourd’hui 230 députés (contre 250 en 1976), élus pour quatre ans au scrutin proportionnel, se replace au centre du dispositif institutionnel.

Yves Léonard, Histoire du Portugal contemporain, de 1890 à nos jours, Paris, Chandeigne, 2018 (2e éd.).