« Pendant un mois et demi j'ai vécu les vraies souffrances de la guerre. Pas une guerre civile, une vraie agression. Nous habitions au rez-de-chaussée. Le jour, nous n'osions pas nous déplacer autrement qu'à quatre pattes, et nous passions la nuit aux abris. […]Il y avait des alertes trois ou quatre fois par jour. Comme l'abri de la maison où nous étions était trop incertain, nous devions aller dans un abri atomique éloigné d'une centaine de mètres de chez nous. Mais le trajet à parcourir était très dangereux. […]Les pires attaques avaient lieu la nuit. J'ai passé des nuits entières dans cet abri avec les enfants. […] Il y avait environ deux cents personnes. […] L'endroit n'était pas préparé pour les bombardements. Il était très humide et puait horriblement. Nous utilisions comme toilettes une sorte de dépôt en métal. Rien n'était prêt parce que tout le monde était persuadé qu'ils n'oseraient pas attaquer une grande ville comme Sarajevo. Les réserves de nourriture étaient assez faibles. »Témoignage de madame N. P., avocate de 41 ans réfugiée dans le nord de la Croatie, dans C. Boulanger, P. Granjon, B. Jacquemart, L'Enfer yougoslave. Les victimes de la guerre témoignent, Belfond, 1994.
Le rôle de l'ONU en question durant la guerre en ex-Yougoslavie
Bihac est une ville du nord-ouest de la Bosnie, peuplée de Bosniaques musulmans. Elle est décrétée zone de sécurité de l'ONU (1249 casques Bleus) mais attaquée par les Serbes en 1994.
Quand on est dans un pays en guerre, armés, et qu'on a pour ordre de ne pas utiliser ses armes, on est de fait du côté de l'agresseur, de celui qui essaie de conquérir du terrain. A Bihac, cela signifiait indéniablement être du côté des Serbes. J'ai menti à un certain nombre de gens à qui on avait dit « mais oui, on va vous aider, si la guerre arrive, vous n'aurez qu'à venir nous rejoindre dans le poste d'observation ». (…). Et le jour où la guerre arrivait, on n'était même plus dans le poste d'observation parce qu'on avait déménagé 2 jours avant.
François Crémieux, appelé du contingent en mission volontaire par l'ONU, en 1994 cité dans l'Histoire, n°460, juin 2019