Cette «territorialisation» sans précédent des fonds marins et de leurs sous-sols est pour l'avenir une source de tensions dont l'essentiel peut être géré par une médiation juridique, mais qui pourrait aussi constituer une cause potentielle de conflits armés.
Le potentiel d'hydrocarbures dans le sous-sol et les ressources halieutiques de l'Atlantique Nord, ainsi que l'évolution du droit maritime international, ont ainsi conduit la France et le Canada à s'affronter pour la délimitation de leurs zones économiques exclusives respectives et à recourir à un arbitrage international pour trancher des revendications opposées.
La décision arbitrale de 1992 a finalement réglé le sort de la zone économique exclusive (ZEE) française. Cette décision, très en deçà des prétentions de la France, a profondément marqué la population de Saint-Pierre et Miquelon qui l'a parfois perçue comme une injustice et un abandon de la part de la France.
Mais si la pêche est à l'origine de nombreux différends comme en témoignent les contentieux relatifs à la pêcherie japonaise, ce sont les ressources en hydrocarbures qui sont à l'origine des principales tensions.
Ces ressources sont notamment au cœur des demandes d'extension du plateau continental aux abords de l'Arctique. La Russie revendique une extension de son plateau continental jusqu'au Pôle Nord le long de la dorsale de Lomonossov à laquelle le Canada, et dans une moindre mesure, le Danemark, l'Islande, la Suède et la Finlande s'opposent.
Certains différends aboutissent à des accords bilatéraux tels que l'accord de septembre 2010 entre Moscou et Oslo sur la délimitation des frontières maritimes des deux pays dans la mer de Barents.
D'autres revendications sont potentiellement une source de conflit comme en mer de Chine où chacune des parties prenantes aux différends territoriaux et la Chine au premier chef essaie, à travers une modification des rapports de force militaire, de changer la situation de fait, quitte à provoquer de véritables confrontations militaires.
Rapport sénatorial juillet 2012
Selon un rapport publié en 1998 par le bureau des affaires juridiques des Nations unies, 87 % des ressources mondiales d'hydrocarbures et de minéraux off-shore seraient localisées dans les zones sous juridiction nationale, à l'exception des nodules polymétalliques, des encroûtements cobaltifères, des sulfures hydrothermaux et des hydrates de gaz.
Le même constat vaut pour les ressources halieutiques dont 90 % seraient situées dans les zones économiques exclusives.
Aujourd'hui, cette concurrence prend essentiellement une forme pacifique avec la constitution et le dépôt de dossier concurrent devant la commission des limites du plateau continental qui exige un travail coûteux de collectes d'informations et de mesures.
En France, l'Etat a alloué une subvention de 18 millions d'euros à la mission Extraplac, le Danemark 40 millions et le Canada 100 millions.
Il s'agit de moyens importants à la hauteur des résultats attendus en termes d'extension des espaces maritimes nationaux. Compte tenu des gains prévisibles pour la France et si l'on tient aussi compte des apports en moyens de l'Ifremer et du Shom,« cela correspond à 10 euros par km2 de plateau continental, soit un bilan assez rentable au regard des ressources potentiels de ces km2 » selon M. Élie Jarmache, juriste, chargé de mission « Droit de la mer » auprès du Secrétaire général de la Mer, chef de la délégation française auprès de la commission des limites du plateau continental de l'ONU .
Les enjeux économiques liés à ces demandes d'extension du plateau continental sont considérables. Ces derniers comprennent en effet le sol et le sous-sol au-delà de la mer territoriale et sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre jusqu'au rebord de la marge continentale dans la limite des 350 milles, voire des 200 milles si ce rebord et à une distance inférieure.