Les Etats membres de l’Organisation des Nations unies ont adopté lundi le texte issu de plus de quinze ans de discussions.
Les Etats membres de l’ONU ont adopté lundi 19 juin le premier traité international pour protéger la haute mer, un accord capital pour contrecarrer les menaces qui pèsent sur l’océan et sa bonne santé, vitale pour l’humanité. « L’accord est adopté », a déclaré la présidente de la conférence, Rena Lee, sous les applaudissements, après l’adoption par consensus.
« L’océan est la force vitale de notre planète. Aujourd’hui, vous avez insufflé une nouvelle vie et un nouvel espoir pour que l’océan ait une chance de se battre », a commenté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, saluant une « réussite historique ».
Malgré l’adoption, la Russie a pris ses « distances » avec ce consensus, qualifiant certains éléments du texte de « totalement inacceptables ». En mars, après plus de quinze années de discussions, dont quatre de négociations formelles, les Etats membres avaient enfin réussi à se mettre d’accord, à l’issue de deux nouvelles semaines de négociations marathon, troisième « dernière » session en un an.
Le texte, alors gelé sur le fond, a depuis été passé au crible des services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU.
Alors que les écosystèmes marins sont menacés par le changement climatique, les pollutions et la surpêche, la science a prouvé l’importance de protéger tout entier cet océan foisonnant d’une biodiversité souvent microscopique, qui fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines.
La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à 200 milles nautiques (370 kilomètres) au maximum des côtes, et n’est donc sous la juridiction d’aucun Etat. Même si elle représente près de la moitié de la planète et plus de 60 % des océans, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.
Outil phare du nouveau traité : la création d’aires marines protégées dans ces eaux internationales. Aujourd’hui, environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation. Mais en décembre, à Montréal, l’ensemble des Etats de la planète s’est engagé à protéger, d’ici 2030, 30 % des terres et des océans de la planète.
Avec l’adoption, « la course pour la ratification commence et l’objectif de protéger au moins 30 % des océans d’ici 2030 reste à notre portée », a commenté Chris Thorne, de Greenpeace. Le nouveau traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » introduit également l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer.
Le texte n’en dresse pas de liste, mais cela pourrait aller de la pêche au transport, en passant par de potentielles activités controversées comme l’exploitation minière sous-marine ou la géo-ingénierie visant à limiter le réchauffement.
Le traité établit également le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer, qui a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute en mars.
Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches ont obtenu le principe d’un partage « équitable » des ressources marines génétiques, que ce soit l’accès aux données scientifiques ou une part des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.
Le texte sera ouvert aux signatures le 20 septembre, au moment où des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement seront à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU. Reste à savoir combien de pays décideront de monter à bord.
Les ONG estiment que le seuil de soixante ratifications pour entrer en vigueur ne devrait pas être trop difficile à atteindre, la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, menée par l’Union européenne, comptant déjà une cinquantaine de pays, dont le Japon, le Chili, l’Inde ou le Mexique. Mais soixante est loin de l’universalité prônée par les défenseurs de l’océan, qui espèrent que l’élan politique autour de l’adoption ne retombera pas.
« Continuons sur cette lancée », a plaidé lundi le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Csaba Korosi, saluant un « accord qui fait date ». « Continuons à travailler pour protéger nos océans, notre planète, et toutes les populations qui y vivent. »