Rivalités et coopérations ressources maritimes
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Les îles d’outre-mer, premières victimes françaises du changement climatique

Alors que l’Hexagone assiste petit à petit aux effets du réchauffement de la planète, ses territoires insulaires ultramarins font déjà face à la dégradation irrévocable de leur lieu de vie.
Les écosystèmes des outre-mer rassemblent 80 % de la biodiversité française sur seulement 22 % du territoire national. Sur ces treize DROM-COM, neuf sont situées dans les hotspots de la biodiversité mondiale. Or, celle-ci ne cesse de se dégrader, à commencer par les coraux. Cette barrière naturelle, qui protège les écosystèmes voisins et limite l’érosion côtière, s’éteint à petit feu. «On estime qu’à peu près 70 % des récifs coralliens sont en mauvais état», note Virginie Duvat, professeure de géographie à l’université de La Rochelle qui a participé à la rédaction du dernier rapport du Giec. Sensibles à l’utilisation du pesticide chlordécone aux Antilles et aux activités humaines, les coraux se font de plus en plus rares. « Nos lagons s’abîment, confirme Nathalie Bassire (LIOT), députée de la troisième circonscription de La Réunion. Aujourd’hui, 30 % de nos lagons sont en bonne santé, contre 80 % il y a trente ans.»

Le constat est le même du côté des mangroves, dégradées par le défrichement, la pollution et le remblaiement côtier. Au-delà de 5 millimètres d’élévation du niveau de la mer par an, ces plantes ont de plus en plus du mal à suivre. « Avec l’accélération de l’élévation du niveau de la mer, elles ne seront bientôt plus en capacité de suivre », s’inquiète Virginie Duvat. Ces deux remparts naturels sont surtout menacés dans les territoires à forte densité de population, comme Mayotte ou la Guadeloupe, qui ont connu un exode rural massif et un développement urbain et touristique très rapide au cours des dernières décennies.
Au-delà des systèmes côtiers végétalisés, les forêts, et en particulier les forêts primaires, sont peu à peu grignotées. « Non seulement ces forêts comportent des espèces endémiques, spécifiques à ces territoires, mais elles jouent aussi un rôle vital dans la protection des sols, réduisant par exemple les risques d’inondation et d’envasement des récifs coralliens», explique la scientifique. A Mayotte, l’immigration clandestine a accéléré le processus de déforestation. Officiellement, 150 hectares disparaissent chaque année sur l’île qui fait 375 kilomètres carrés. « Cela se voit à l’œil nu! » s’exclame Estelle Youssouffa, et condamne les coraux à être ensevelis sous la vase.

La destruction de ces deux systèmes s’auto-alimente. La dégradation des forêts engendre une accélération de la dégradation des récifs coralliens, ensevelis sous des particules fines issues des pentes montagneuses des îles. ('...)
Alors que les températures se font plus capricieuses, les extrêmes météorologiques gagnent eux aussi en intensité. En 2017, l’ouragan Irma avait frappé Saint-Martin avec une force historique, faisant 136 morts et endommageant 92 % des bâtiments. Dans les années à venir, ces cyclones de très forte intensité deviendront plus fréquents.(..)
En moyenne, à l’échelle globale, le niveau de la mer s'élève aujourd’hui de près de 4 millimètres par an. Par conséquent, la Martinique pourrait perdre 5 % de sa superficie d’ici 2100, tandis que des zones entières de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, de Mayotte et de La Réunion pourraient devenir inhabitables dès 2040-2050.

Cette difficulté touche avant tout les terres les plus urbanisées. « Dans les atolls des Tuamotu, en Polynésie, les systèmes côtiers végétalisés sont encore en bon état. Ils ont la capacité de s’exhausser pour s’ajuster au niveau marin car le récif continue à fournir des sédiments aux îles. Mais ce n’est pas le cas sur les territoires qui sont aménagés», rapporte Virginie Duvat. Sur les territoires de basse altitude, la construction d’infrastructures fait obstacle à ces apports de sédiments.

Dans les années 1950, en Guadeloupe, les forêts marécageuses et les mangroves de Pointe-à-Pitre ont cédé la place à une zone aéroportuaire, utilisée notamment pour stocker des hydrocarbures. Ces 50 hectares de terres artificielles sont donc aujourd’hui facilement inondables. «On estime que dans la deuxième moitié du siècle, cette zone pourrait connaître 180 jours de submersion par an», explique la scientifique. Une zone qui concerne 16.000 habitants, inclut les zones portuaire et aéroportuaire, ainsi que des zones industrielles et commerciales.(...)
« Si nous restons sur notre trajectoire actuelle d’émissions de CO2, la vie humaine dans les outre-mer sera en 2100 soumise à des risques très fortement démultipliés par rapport à aujourd’hui», alerte Virginie Duvat. Jusqu’à présent, la stratégie dominante a été la protection lourde, caractérisée par la construction d’ouvrages de défense comme des digues ou des cordons d’enrochements. « Mais cette stratégie est inadaptée aux îles. Elle accroît finalement les risques de demain, car ces ouvrages sont souvent mal conçus et inefficaces. Ils ont aussi comme effet pervers de créer un faux sentiment de sécurité parmi la population et d’encourager à urbaniser. »

De plus en plus, les territoires développent des projets pilotes de solutions fondées sur la nature. Plus efficace là où les écosystèmes sont encore en bon état et bien développés, cette stratégie consiste à mieux les protéger, mieux les gérer, les restaurer ou les recréer pour renforcer le service de protection côtière qu’ils rendent. En 2019, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a mis en place le projet interrégional Carib-Coast qui s’appuie sur cette stratégie pour réduire le risque d’érosion côtière. Déployé sur les plages de l’anse Maurice et de Clugny en Guadeloupe, ce projet a permis la restauration de la végétation originelle du littoral. Cela renforce du même coup la biodiversité et le rôle de site de ponte de cet habitat pour les tortues marines.

Un projet d’écoquartier est également en cours sur l’île, dans les secteurs de Diado et Centre-Bourg de la commune de Morne-à-l’Eau. Il prévoit de réhabiliter 11 hectares via la construction de logements adaptés aux extrêmes météorologiques et entouré de 1.000 arbres pour lutter contre la surchauffe urbaine.

Malgré tous ces projets, Virginie Duvat considère que les politiques d’adaptation sont encore « trop lentes et trop court-termistes». Elle appelle notamment à construire dès maintenant des trajectoires d’adaptation ambitieuses qui articulent les solutions à mettre en œuvre sur le temps long, en partant, là où c’est pertinent, de stratégies fondées sur la nature et hybrides, mêlant pour ces dernières protections lourdes et replantations.
Charlotte Meyer, Les Echos, 14 fev 2023
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