Pourquoi, en 2013, la Chine a-t-elle choisi ce nom ?
Les routes de la soie ont une forte dimension symbolique. Le terme évoque des échanges ouverts, profitables à tous. Des échanges économiques, mais aussi culturels, scientifiques. La Chine a beaucoup joué sur cette image très idéalisée, dont on oublie un peu vite les brigands et les dangers.
On retrouve également dans la référence un écho de la « renaissance », chère à Xi Jinping : revenir aux routes de la soie, c'est revenir à la Chine glorieuse des Ming, avant l'invasion par les Mandchous, avant l'irruption des Européens en Asie. Mais c'est revenir aussi à une époque de prospérité pour cette Asie centrale progressivement oubliée à partir du XVe siècle, puis fermée au XIXe par les rivalités des puissances occidentales, et au XXe par la mainmise soviétique. Il s'agit d'ouvrir à nouveau ce coeur de l'Ancien Monde, d'y promouvoir le développement économique et de faciliter les communications d'un bout à l'autre du continent eurasien. Avec quelques projets à haute valeur symbolique : on peut aujourd'hui aller en chemin de fer, et sans rupture de charge, de Pékin ou Shanghai jusqu'à Hambourg, Rotterdam, Lyon et Madrid !
l'Histoire , mai 2019 , interview de JF Huchet
Future phase envisagée : la circulation de l'information, notamment par des réseaux de fibre optique. Sans oublier la dimension culturelle, souvent mise en avant dans les discours officiels : circulation des savoirs, de l'éducation, programmes touristiques. Et le projet est suffisamment flou pour continuer à intégrer de nouveaux espaces, de nouveaux aspects.
La constitution de ces réseaux repose sur des accords bilatéraux entre la Chine et les autres pays de la région. C'est toute une diplomatie que déploie aujourd'hui la Chine autour de ces projets, qui se font labelliser « nouvelles routes de la soie » pour obtenir des financements.
Une institution incarne cette politique : la Banque asiatique d'investissement sur les infrastructures (BAII), qui regroupe officiellement 69 membres (auxquels devraient s'ajouter prochainement 24 autres) et finance des infrastructures ainsi labellisées. C'est une petite banque mondiale ; l'équivalent, sous domination chinoise, de la Banque asiatique de développement, contrôlée par le Japon. Son siège està Pékin, et la Chine y est majoritaire, en capitaux et droits de vote. Pour autant, elle n'y fait pas tout à fait la loi : les pays européens, notamment, s'y sont trop impliqués pour qu'elle puisse tout décider unilatéralement, comme c'est le cas par exemple en Afrique
L'Histoire , mai 2019 , interview de JF Huchet