Un tournant social,politique et culturel, La France de 1974 à 1988
Thème 3 les remises en cause économique, politiques et sociales des années 1970 à 1991

Vous montrerez l'évolution de l'immigration en France dans les années 1970-1980 et les réactions qu'elle suscite dans la société française.

Posted by yannmorel
L'H. : Avec la crise des années 1970, nouveau coup d'arrêt. Les frontières se ferment, pour ne plus se rouvrir ?
G. N. :
En France comme dans le reste de l'Europe de l'Ouest, les frontières se ferment au milieu des années 1970 et les incitations au retour sont mises en place. Mais, lorsque Valéry Giscard d'Estaing décide en 1978 de rapatrier 200 000 personnes par an, la gauche se mobilise. Les années 1960 ont changé la donne. De nombreuses décisions ont été prises dans le domaine de la lutte contre le racisme, toute une série de conventions internationales sur le droit d'asile... Les États ne peuvent plus agir comme ils le faisaient dans les années 1930. Par ailleurs, Mai 68 a repolitisé la thématique de l'immigration en réintroduisant la figure de l'ouvrier immigré, inaugurant une période d'engagement de la gauche dans les luttes des travailleurs immigrés, sur fond de résurgence du racisme et de violences contre les immigrés. Un nouveau paroxysme est atteint pendant « l'été rouge » de Marseille, en 1973, qui fera sept victimes, toutes originaires du Maghreb. Dans les années 1980, avec la crise économique, le discours sur l'identité nationale qui avait quasiment disparu pendant les Trente Glorieuses resurgit sous l'impulsion du Front national qui impose dans le vocabulaire courant l'expression « identité nationale » en montrant du doigt les immigrants présentés comme une « menace » pour la France. Néanmoins, l'extrême droite n'est plus en mesure, désormais, d'abattre les institutions démocratiques, contrairement à ce qui s'était passé dans les années 1930 puis sous Vichy. C'est sans doute ce qui a facilité la banalisation des discours identitaires dans l'espace public français.
L'Histoire , La France un vieux pays d'immigration, entretien avec G Noirel , janvier-mars 2010

 
 

Les dates-clés de l'immigration en France

Les "trente glorieuses"

- 1956-1972 : l'immigration s'accélère avec la décolonisation et l'entrée en vigueur au 1er janvier 1958 du traité de Rome, qui instaure le principe de libre circulation des personnes.Déclin progressif de l'immigration italienne au profit de l'immigration espagnole et portugaise. Développement de l'immigration marocaine et tunisienne. Forte augmentation de l'immigration algérienne après la fin de la guerre en 1962, et début de l'immigration africaine subsaharienne.
- 1972 : les circulaires "Marcellin"-"Fontanet" subordonnent la politique de recrutement des travailleurs étrangers à la situation de l'emploi. La perte du travail implique la perte de la carte de séjour.

· 1974-1981 : septennat de Valéry Giscard d'Estaing

La crise économique s'accompagne d'un réexamen fondamental des politiques migratoires en Europe.
- 1974 : le gouvernement français décide de suspendre l'immigration des travailleurs et des familles extracommunautaires. L'immigration des travailleurs reste suspendue jusqu'en 1977, l'immigration des familles est à nouveau autorisée dès 1975.
- 1977 :
mise en place d'une aide au retour volontaire.
- 1978 :
mise en place d'un mécanisme de retours organisés et forcés d'une partie de la main-d'œuvre étrangère installée jusque-là régulièrement. Les Etats du Maghreb sont particulièrement visés par ces mesures.
- 1980 : loi Bonnet relative à la prévention de l'immigration clandestine. Elle rend plus strictes les conditions d'entrée sur le territoire, fait de l'entrée ou du séjour irréguliers un motif d'expulsion au même titre que la menace pour l'ordre public, et prévoit la reconduite de l'étranger expulsé à la frontière et sa détention dans un établissement s'il n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire.
- 1981 : la loi Peyrefitte légalise les contrôles d'identité à titre préventif.

· 1981-1988 : premier septennat de François Mitterrand

1981- Juillet : circulaire du ministre de l'intérieur, Gaston Defferre, assouplissant les conditions d'accès au titre de séjour et à l'asile politique. Recommandation de ne pas expulser les étrangers nés en France.
- Août :
circulaire précisant les conditions de régularisation exceptionnelle instaurées en faveur des travailleurs clandestins et des autres immigrés en situation illégale : fournir la preuve de la présence en France depuis le 1er janvier 1981, occupation d'un emploi stable depuis une année.
- Octobre : abrogation des dispositions de la loi Bonnet et introduction dans l'ordonnance de 1945 d'une série de garanties nouvelles pour les étrangers : l'expulsion ne peut être prononcée que si l'étranger a été condamné à une peine au moins égale à un an de prison ferme ; les garanties de procédure entourant l'expulsion sont accrues ; les étrangers en situation irrégulière ne peuvent être reconduits à la frontière qu'après un jugement et non plus par la voie administrative ; les étrangers mineurs ne peuvent plus faire l'objet d'une mesure d'éloignement, et ceux qui ont des attaches personnelles ou familiales en France ne peuvent être expulsés qu'en cas de menace à l'ordre public.
- Novembre : une circulaire supprime le dispositif d'aide au retour.

1984
- Juillet :
loi sur le titre unique de séjour et de travail, qui reconnaît, par la création de la carte de résident,le caractère durable de l'installation en France de la population immigrée et dissocie le droit au séjour d'avec l'occupation d'un emploi.
- Octobre : accroissement des moyens de la police de l'air et des frontières, possibilité de sanction des séjours irréguliers par une interdiction de retour sur le territoire français.

1986
L'opposition RPR-UDF remporte les élections législatives et ouvre la première période de cohabitation entre 1986 et 1988.
- Septembre : loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dite loi Pasqua.Elle rétablit le régime de l'expulsion tel qu'il existait antérieurement à la loi du 29 octobre 1981 ; elle restreint la liste des étrangers qui obtiennent de plein droit une carte de résident et celle des étrangers protégés contre les mesures d'éloignement du territoire.

· 1988-1995 : second septennat de François Mitterrand

- 1989 : loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dite loi Joxe.Elle assure la protection contre l'expulsion des personnes ayant des attaches personnelles ou familiales en France, et instaure un recours juridictionnel contre les mesures de reconduite à la frontière.

Le Monde Publié le 06 décembre 2002

"Douce France", Carte de séjour
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La Jeunesse Emmerde le Front National - Berurier Noir
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Le Front national : portrait historique d'un parti d'extrême droite

L’originalité du mouvement lepéniste est ailleurs : il tente un syncrétisme plus ou moins adapte a notre époque au moyen des divers courants qui, depuis la Révolution de 1789, ont radicalement mis en cause la démocratie libérale. Dans une interview accordée le 6 avril 1995 à National Hebdo, Jean-Marie Le Pen affirmait : « Je représente à la fois la tradition populaire et la tradition contre-révolutionnaire, qui a dénoncé les heures les plus sombres de 1793 quand la Révolution était tenue pour un bloc admirable, et détesté le communisme quand les compagnons de route avaient persuadé les Français qu 'il représentait l'espoir du monde. » Pourquoi ne prendrions-nous pas au sérieux le chef* du Front national quand il s'affirme héritier d'une double tradition, autrement dit quand il se reconnaît des antécédents, des références au passé ?

La carrière politique de Jean-Marie Le Pen a commencé avec la guerre d'Algérie et le poujadisme. Élu sur la liste de l'UDCA (Union de défense des commerçants et artisans), il est avant tout un nationaliste, anticommuniste, hostile à la décolonisation, ancien engagé de la guerre d'Indochine, farouche partisan d'une Algérie française pour la défense de laquelle il reprend l'uniforme peu de temps après avoir été élu député aux élections du 2 janvier 1956. Sa séparation assez rapide d'avec Pierre Poujade (cf. portrait, p. 38) n'empêche pas qu'il a découvert, grâce à « Pierrot »et ses campagnes tonitruantes, le contact des foules, l'ivresse des réunions publiques, un certain goût du peuple - fût-ce celui des artisans et des commerçants.

UNE CARRIÈRE QUI COMMENCE AVEC LA GUERRE D'ALGÉRIE

Les partisans de l'Algérie française tout comme les poujadistes ont été des vaincus de l'histoire. La décolonisation s'est achevée, l'industrialisation et l'urbanisation se sont accélérées : ce qui avait pu unir un moment les uns et les autres fut laminé au cours des années 1960. Le Pen a beau fonder le Front national en 1972, il végète pendant longtemps à la tête d'un groupuscule. L’élection présidentielle de 1974 en donne une idée précise : il ne recueille alors que 0,74% des suffrages exprimés.

Au cours de cette traversée du désert, il découvre cependant le leitmotiv de ses futures campagnes : les menaces de l'immigration. C'est d'Ordre nouveau, une des factions constitutives du Front national5, que partent dans les années 1970 les premiers mots d'ordre contre les étrangers (« Halte à l'immigration sauvage »).Le chômage croissant, la délinquance en hausse, les dégâts de la drogue et bientôt le terrorisme sur le territoire national trouvent ainsi leur explication, et Le Pen le levier protestataire et identitaire propre à provoquer l'envolée de son parti, à dater de l'élection municipale de Dreux de 1983.


EXTRAIT Michel Winock, historien , dans mensuel 219 L'Histoire ,daté mars 1998
L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété ainsi : ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance [...] à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 2 000 F à 300 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. [...]
De la répression des discriminations raciales. Il est inséré dans le code pénal un article 187‑1 rédigé comme suit : sera puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 3 000 à 30 000 F tout dépositaire de l’autorité publique [...] qui, en raison de l’origine ou de l’appartenance ou de la non-appartenance d’une personne à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, lui aura refusé sciemment le bénéfice d’un droit auquel elle pouvait prétendre.

Loi du 1er janvier 1972 relative à la lutte contre le racisme.
1983 : La marche des beurs arrivait à Paris | Franceinfo INA
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