François Mitterrand et la cohabitation
"Les Français avaient déjà choisi, en 1981, l'alternance politique. Ils viennent en majorité de marquer à nouveau, mais en sens contraire, leur volonté de changement. Dépassons l'événement que chacun jugera selon ses convictions.
Réussir l’alternance aujourd’hui comme hier, demain comme aujourd'hui, donnera à notre pays l'équilibre dont il a besoin pour répondre, dans le temps - et je l'espère, à temps - aux aspirations des forces sociales qui le composent. Mon devoir était d’assurer la continuité de l’État et le fonctionnement régulier des institutions. Je l'ai fait sans retard et la nation sans crise. Le Premier ministre nommé et le gouvernement mis en place sont désormais en mesure de mener leur action.
Mais nos institutions sont à l'épreuve des faits. Depuis 1958 et jusqu'à ce jour, le président de la République a pu remplir sa mission en s'appuyant sur une majorité et un gouvernement qui se réclamaient des mêmes options que lui. Toute autre, nul ne l'ignore, est la situation issue des dernières élections législatives. Pour la première fois la majorité parlementaire relève de tendances politiques différentes de celles qui s'étaient rassemblées lors de l’élection présidentielle, ce que la composition du gouvernement exprime, comme il se doit.
Devant un tel état de choses, qu'ils ont pourtant voulu, beaucoup de nos concitoyens se posent la question de savoir comment fonctionneront les pouvoirs publics. A cette question, je ne connais qu’une réponse, la seule possible, la seule raisonnable, la seule conforme aux intérêts de la nation : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution (...).
La novation qui vient de se produire requiert de part et d'autre une pratique nouvelle. Je ne l'attarderai pas ici sur l'énoncé de compétences présentes, je le suppose, à votre esprit. Je rappellerai seulement que la Constitution attribue au chef de l’État des pouvoirs que ne peut en rien affecter une consultation électorale où sa fonction n'est pas en cause. Fonctionnement régulier des pouvoirs publics, continuité de l’État, indépendance nationale, intégrité du territoire, respect des traités. (...) Le gouvernement, de son côté, a pour charge, aux termes de l'article 20, de déterminer et conduire la politique de la nation. Il assume, sous réserve des prérogatives du président de la République et de la confiance de l'Assemblée, la mise en œuvre de décisions qui l'engagent devant les Français. Cette responsabilité est la sienne.
Cela étant clairement établi, président et gouvernement ont à rechercher, en toutes circonstances, les moyens qui lui permettront de servir au mieux et d'un commun accord les grands intérêts du pays.
Mais, mesdames et messieurs, qu'en est-il du Parlement ? Pouvoir législatif, il garde et doit garder la plénitude de se droits. (...)."
Message adressé par François Mitterrand au Parlement, 8 avril 1986.