Avant la COP26, Pékin affiche son soutien aux énergies bas carbone.
A l’approche de la Conférence sur le climat, la COP26, qui doit se tenir à Glasgow à partir du 31 octobre, la Chine insiste sur le « tournant vert » qu’elle entend donner aux « nouvelles routes de la soie », le gigantesque programme d’investissements qu’elle cofinance à travers le monde. Signe le plus spectaculaire de cette évolution : l’annonce faite par le président Xi Jinping, le 23 septembre, que Pékin allait cesser de financer la construction de nouvelles centrales au charbon à l’étranger.(...)
Dimanche 24 octobre, la Chine a complété sa stratégie verte en publiant un document officiel dans lequel elle s’engage à augmenter progressivement sa part de la consommation d’énergie non fossile « à environ 20 % d’ici à 2025, à environ 30 % en 2030 et à plus de 80 % en 2060 ». « La consommation de charbon sera réduite à un rythme accéléré » précise le document. Par ailleurs, d’ici à 2025, les émissions de dioxyde de carbone par unité de PIB seront réduites de 18 % par rapport à 2020 et d’ici à 2030, elles auront diminué de plus de 65 % par rapport à 2005.
Ce soutien aux énergies renouvelables prend forme au Kazakhstan, où le groupe public chinois State Power Investment a inauguré en juin un parc éolien de 100 mégawatts (MW) : quarante éoliennes qui fournissent l’équivalent de la consommation d’un million de foyers et permettent de diminuer la consommation de charbon du pays. Au Pakistan, le chinois Zonergy développe un projet photovoltaïque de 9 000 MW sur pas moins de 2 000 hectares. « La plus grande ferme solaire au monde » est loin d’être achevée mais fournirait déjà de l’électricité à 1,5 million de personnes.
Au Ghana, la China Harbour Engineering Company, qui construit le port pour containers de Tema insiste sur son respect des normes sociales et environnementales, son travail pour la protection des tortues de mer et sa coopération avec les universités locales. En Egypte, la zone de coopération économique et commerciale exploitée par un développeur public chinois de Tianjin, se veut « écologiquement responsable »
Inutile de rêver : les nouvelles routes de la soie ne vont pas « verdir » du jour au lendemain. Mais la Chine qui met désormais en avant la « civilisation écologique » sait qu’elle ne sera pas crédible si, partout dans le monde, ses propres investissements contredisent ses promesses. En 2018, 42 % des investissements réalisés dans le secteur énergétique dans le cadre des routes de la soie concernaient le charbon.
Encore aujourd’hui, entre le barrage de Batang Toru en Indonésie ou l’exploitation de mines de bauxite en Guinée sans retombées concrètes pour la population, de nombreux chantiers labellisés « Belt and Road » restent sujets à controverse. En Guinée, l’une des premières décisions de la junte arrivée au pouvoir le 5 septembre a été la suspension de l’accord de 2017 conditionnant un énorme prêt chinois (20 milliards de dollars, soit 17 milliards d’euros) à l’exportation de bauxite.
Le Monde , Par Frédéric Lemaître(Pékin, correspondant) Publié le 26 octobre 2021
À l’initiative de la BRI, la Chine finance principalement des projets d’infrastructures (tel que l’emblématique projet de construction du chemin de fer Nairobi-Mombasa ou encore le port du Pirée en Grèce) et des coopérations dans de nombreux secteurs (financier, énergétique, numérique, scientifique, éducatif, culturel ou encore dans le domaine de la santé) le long de six corridors terrestres et d’un réseau portuaire qui relient la Chine avec l’Asie, l’Europe et l’Afrique.
Les coopérations s’étendent aujourd’hui jusqu’en Amérique latine (Chili, Équateur, Costa Rica), aux Caraïbes (République dominicaine, Jamaïque) et dans le Pacifique Sud (Fidji, Vanuatu). Elles pourraient même déboucher en Arctique sur une « Route polaire de la soie » d’après les documents officiels chinois.
Début février 2020, 143 pays,soit plus des deux tiers des pays dans le monde, avaient signé des accords bilatéraux avec la Chine dans le cadre de cette initiative (...)
Dans une étude du World Resources Institute (WRI), des chercheurs estiment qu’entre 2014 et 2017, dans le secteur de l’énergie, 91 % des crédits accordés conjointement par les six grandes banques chinoises et 61 % des prêts de la China Development Bank (CDB) et de la banque d’import-export chinoise (China Exim Bank), finançaient des énergies fossiles
Selon une étude de l’Institut d’économie de l’énergie et d’analyse financière (IEEFA), plus du quart des centrales au charbon en développement hors de Chine en 2018 pourrait être financé par des institutions chinoises.
Or les infrastructures financées aujourd’hui conditionnent les trajectoires de développement pour les décennies à venir. Les États concernés risquent de se retrouver piégés en raison de choix économiques débouchant sur des dégradations de l’environnement potentiellement irréversibles.
Si les trajectoires de développement des pays participant à l’initiative des « Nouvelles routes de la soie » suivent leur cours d’ici à 2050, le maintien d’une trajectoire compatible avec l’objectif des 2 °C contenu dans l’accord de Paris nécessiterait une réduction de 68 % des émissions annuelles de CO2 par rapport aux projections actuelles.(...)
Les autorités chinoises ont pris des mesures pour favoriser la prise en compte des enjeux environnementaux.
Des lignes directrices pour promouvoir une initiative « verte » ont ainsi été publiées en mai 2017. Une coalition d’acteurs (États, agence des Nations unies, institutions académiques et entreprises) – la BRI International Green Development Coalition – a été lancée en avril 2019 pour orienter les financements vers des investissements plus verts. Des principes pour un investissement vertont été signés par 27 institutions financières dont la China Development Bank et la China Exim Bank, les deux principales banques publiques octroyant des financements dans le cadre de l’initiative.Pour éviter que ce verdissement ne s’apparente à du greenwashing, ces principes, lignes directrices et coalition d’acteurs devront être suivis et mis en œuvre.