Alain Frachon
Adoubé pour un troisième mandat, le président chinois veut imposer sa vision des affaires du monde.
Dans cette bataille politico-idéologique, la Russie, d’autant plus agressive qu’elle est sur le déclin, est aux côtés de la Chine. Leur cible partagée est « l’ordre libéral », cet ensemble de normes auquel se réfère le système international né en 1945. Ce ne sont pas tant les institutions qui sont contestées, Pékin s’en accommode volontiers, que les « valeurs » auxquelles elles se réfèrent.
« L’ordre libéral international » ne fut souvent ni libéral ni vraiment international. Mais ses textes fondateurs, la Charte des Nations unies puis la Déclaration universelle des droits de l’homme, sont le produit d’une culture, très largement occidentale, et d’une époque, l’après-guerre. Américains et Européens, qui avaient en mémoire massacres et tueries de masse, ont voulu remettre au centre de la vie internationale les droits de l’individu tels qu’ils les entendaient – libertés d’expression et de conscience, notamment.
Pékin ne reconnaît pas l’universalité de ces « valeurs » et fait valoir qu’elles sont évoquées par des Occidentaux qui y ont trop souvent été infidèles. La Chine « rejette toute idée d’un ordre international guidé par des valeurs universelles partagées », relève l’hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 15 octobre, intitulée « Le monde que veut la Chine ». La Chine dénonce une invention occidentale utilisée pour contrer son inéluctable émergence à la première place. D’où la nécessité, dit Xi, de « mener la réforme du système de la gouvernance mondiale ». (...)
Conséquente, la diplomatie de Xi ne porte pas de jugement sur la nature des gouvernements. Elle respecte les autorités étatiques en place. Elle traite avec tous les régimes, même si elle cache mal une préférence pour le type autoritaire – elle conseille aux Africains de s’inspirer de l’expérience chinoise. Elle déteste les « révolutions de couleur » et autres « printemps arabes », troubles intérieurs qui perturbent la stabilité extérieure. Le monde, selon Xi, doit bouger le moins possible.
Publié le 27 octobre 2022 Le Monde