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La loi Aillagon du 1er août 2003 a permis le développement du mécénat d'entreprise et de la « philanthropie individuelle » en accordant aux entreprises mécènes une réduction d'impôt équivalant à 60 % du montant du don. La loi de finances pour 2007 a élargi la réduction d'impôt pour mécénat aux dons des particuliers destinés à des travaux de restauration et d'accessibilité du public, sous réserve que le monument qui en bénéficie soit conservé par son propriétaire et ouvert au public pendant au moins dix ans. En 2012, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti se déclare favorable au mécénat d'entreprise (« je ne vois pas comment l'État pourrait se priver d'un tel apport »). La ministre souhaite développer un mécénat de proximité, une plus grande participation de tous les citoyens au soutien de toutes les formes artistiques sur le territoire et encourager des formes innovantes de philanthropie individuelle. Le système fiscal est particulièrement avantageux en France.

Privatisation du patrimoine : l'Etat a-t-il franchi la ligne jaune ?

Que va devenir l'hôtel de la Marine, à Paris ? Que reste-t-il à vendre ?

Jusqu'où l'Etat peut-il aller dans la grande braderie de ses biens immobiliers ? Il a besoin d'argent. L'objectif affiché consiste à vendre les bijoux de famille aux plus offrants pour renflouer les caisses. Depuis trois ans, l'opération s'accélère. 1 700 édifices seraient en sursis. Dernière cible en date : l'emblématique hôtel de la Marine. Début 2009, il est question de vente.Face à la stupéfaction générale, Eric Woerth recule : "C'est un monument très sensible, il ne sera pas cédé, mais loué sur une longue durée. La compétition sera ouverte dans quelques mois", indique le cabinet du ministre du budget d'alors.

En juillet 2010, une modification de la loi permet à l'Etat de louer par bail emphytéotique (99 ans, au plus) ses propriétés. Une révolution. Quatre mois plus tard, la décision tombe : l'hôtel de la Marine, édifice classé monument historique, est à louer avec un bail de 60, 70 ou 80 ans. Il s'agit d'un des plus prestigieux monuments construits par et pour l'Etat - ce qui n'est le cas ni du palais de l'Elysée, ancienne propriété du comte d'Evreux, ni de l'hôtel Matignon, bâti pour le prince de Tingry en 1722 [...]

Le site de France Domaine précise aussi que vingt transactions ont abouti sur les 24 derniers édifices mis en vente à Paris. Dont le somptueux hôtel de Montesquiou, façade Louis XVI sur jardin, 43, boulevard des Invalides (7e), libéré par le ministère de la coopération et cédé à un promoteur russe. Les clients de ces joyaux sont les familles princières des Emirats, d'Asie, de Russie, principalement.[...]

Barnum commercial". Ces opérations en chaîne déclenchent l'inquiétude des amoureux du patrimoine. A Toulouse, l'avenir de l'ancienne prison n'est pas du goût de tous. A Versailles, l'hôpital royal, édifié sous Louis XVI, menaçait de ruine après son abandon par le ministère de la justice, qui l'occupait. Pillé, squatté, trois incendies accélérèrent sa décrépitude,avant que la mairie se décide à l'acheter pour le revendre aussitôt au promoteur OGIC, spécialiste du patrimoine. A Paris, la question de l'Hôtel-Dieu, premier hospice ouvert, à l'ombre de Notre Dame, et qui doit être désaffecté, est loin d'être réglée.

Pour l'heure, c'est le sort de l'hôtel de la Marine qui mobilise les défenseurs du patrimoine, les intellectuels comme les politiques de tous bords. La majorité présidentielle, elle-même, est divisée. Valéry Giscard d'Estaing a signé la pétition lancée par l'association pour la sauvegarde de l'hôtel de la Marine, forte de 6 000 signatures : "J'ai signé pour que l'Etat garde ce monument", déclare l'ancien président de la République au Figaro, le 7 janvier. Position relayée par l'historien Max Gallo : "Je suis contre toute utilisation mercantile d'un bien de l'Etat", et par l'académicien Jean-Marie Rouart : "Au moment où le président veut faire une Maison de l'histoire de France, il y a une contradiction fondamentale à ne pas respecter un lieu qui incarne justement cette histoire."

Par Florence Evin avec Nathalie Guibert Publié le 18 janvier 2011 Le Monde