Th4 France et Europe de 1945 à nos jours
Terminale générale Histoire

L'Etat- providence , une volonté du CNR de plus en plus remise en cause

Après avoir expliqué le projet du CNR et sa mise en œuvre , vous expliquerez comment cet État providence s'est transformé pour enfin, expliquez les critiques à son encontre.

Qu'est-ce que l'État-providence ?
L’État-providence désigne les interventions de l’État dans le domaine social, notamment par le biais d'un système de protection sociale.
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Dans La Crise de l’État providence (1981), Pierre Rosanvallon fait la distinction entre trois crises de l’État-providence français :

  • une crise de financement : avec le vieillissement de la population et l’augmentation de l’offre de soins grâce aux progrès médicaux, la dette sociale augmente et la question du financement de l’État-providence suscite de vifs débats
  • une crise d’efficacité : les prestations sociales n’ont pas permis de réduire les inégalités sociales, en témoigne le taux élevé de chômage
  • une crise de légitimité : à l’origine, l’État-providence a pour but l’égalité entre les citoyens, mais, avec le système de cotisations et redistributions, ils comparent leurs situations et refusent parfois de « payer pour les autres »
Affiche française, 1947.
 
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Les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le général de Gaulle [...] [et] afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) sur le plan économique :
‒ l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ; [...]
‒ le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, les fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques ; [...]
b) sur le plan social :
‒ le droit au travail et le droit au repos [...] ;
‒ un rajustement important des salaires [...] ;
‒ un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail [...] ;
‒ une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; [...]
‒ une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales ; [...]
Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation.

Conseil national de la Résistance, programme du 15 mars 1944.

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Le RMI a 30 ans | Franceinfo INA
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Macron met en scène sa philosophie sociale: "On met un pognon dingue et les pauvres restent pauvres"
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Bruno Valat, historien : « Malgré les remises en cause, l’Etat-providence constitue encore aujourd’hui un pilier des sociétés occidentales »
Tribune de Bruno Valat Historien

Répondant aux ravages provoqués par les conflits mondiaux et le krach de 1929, l’Etat-providence vise à prévenir les fractures qui avaient conduit, dans les années 1930, à la montée des totalitarismes, comme le rappelle, dans une tribune au « Monde », le spécialiste des politiques sociales Bruno Valat.

L’année 1945 marque un tournant dans l’histoire politique, sociale et économique. A la sortie de la seconde guerre mondiale, une ambition nouvelle émerge : reconstruire non seulement les infrastructures, mais aussi les institutions publiques et le lien social. Dans les pays traumatisés par le conflit, il s’agit de garantir à chaque citoyen un socle de sécurité économique et sociale, perçu comme un droit fondamental.

C’est dans ce contexte que l’Etat-providence s’impose comme un projet central. Le concept ne naît pas ex nihilo. Il s’inscrit dans une tradition plus ancienne de politiques sociales amorcée dès la fin du XIXᵉ siècle sous l’impulsion de gouvernements comme celui de Bismarck en Allemagne ou du New Deal de Roosevelt aux Etats-Unis, dans les années 1930.

La IIIe République française avait également développé par étapes un socle de protections depuis les années 1890. Mais c’est à l’issue de la guerre que cette aspiration prend son essor, en réponse aux ravages provoqués par les affrontements mondiaux et la crise de 1929. En France, la guerre mais aussi l’Occupation et la collaboration ont profondément ébranlé la société. Avec d’autres, le programme du Conseil national de la Résistance, adopté en mars 1944, réclame l’instauration d’une « démocratie économique et sociale ».

Parmi les décisions emblématiques figurent la nationalisation de secteurs-clés (banques, énergie, transport), l’extension des droits des travailleurs et la création de la Sécurité sociale. Celle-ci, conçue sous la direction du haut fonctionnaire Pierre Laroque, cherche à garantir une couverture contre les risques majeurs − maladie, vieillesse, accidents, maternité − et à protéger la famille dans une perspective nataliste : la France a besoin de travail et d’enfants pour se relever. Le modèle retenu est fondé sur un principe assurantiel, aménagé dans le sens de la solidarité.


Le financement est assuré par des cotisations sociales proportionnelles aux salaires, la gestion confiée à des caisses administrées par les représentants des travailleurs. Outre-Manche, le rapport Beveridge, publié en 1942, a identifié cinq « fléaux » à abattre – besoin, maladie, misère, ignorance et oisiveté (forcée) – et propose d’y remédier « du berceau à la tombe » par des assurances sociales à prestations forfaitaires, un accès universel aux soins et l’éducation gratuite pour tous.

Ces idées sont reprises par le gouvernement travailliste de Clement Attlee, qui crée notamment le National Health Service, un système de santé public et gratuit assuré par l’Etat, en 1948. En Allemagne, en Italie, au Japon et ailleurs, des réformes diverses, d’inspiration semblable et de plus ou moins grande ampleur, sont menées, parfois sous l’impulsion des vainqueurs, mais toujours avec la collaboration active des autorités locales. Chacun s’organise selon ses moyens, son histoire et ses préférences. Seuls les Etats-Unis restent en retrait.

Le pays, au sommet de sa force, voit en effet son modèle triompher et les opposants au « big government » hérité de l’ère Roosevelt souhaitent en freiner le développement. De fait, l’avènement de la Sécurité sociale correspond à une nouvelle vision du rôle de l’Etat. Face aux limites du libéralisme classique, on lui attribue désormais une responsabilité majeure dans la vie économique et sociale. Cela passe aussi par une fiscalité redistributrice et une politique de plein-emploi

Cette conception est légitimée par les théories keynésiennes, qui plaident pour une intervention active afin de soutenir la demande et éviter les crises. L’Etat-providence n’est donc pas un ensemble de mesures ponctuelles : il incarne un nouveau contrat social, fondé sur l’idée que la solidarité est indispensable à la cohésion nationale et que les droits sociaux doivent être garantis comme les droits civils et politiques.

Il s’explique aussi par une volonté de prévenir les fractures qui avaient conduit à la montée des totalitarismes. Si, en France ou en Italie, les partis communistes contribuent à son édification, l’Etat-providence prend avec la guerre froide, qui débute en 1947, un sens nettement anticommuniste : il doit permettre de détourner les masses de la séduction du modèle soviétique et de consolider la démocratie libérale en la dotant d’un volet social.

Seuls les Etats-Unis, là encore, se singularisent : les progrès de l’interventionnisme y sont rejetés comme une manifestation de socialisme, étranger aux traditions du pays. Il faudra attendre les années 1960 pour assister à des avancées significatives avec les lois civiques et l’introduction de programmes fédéraux d’assurance médicale (Medicare et Medicaid).

En Europe aussi, l’Etat-providence rencontre des obstacles et beaucoup reste à faire après 1945. Les moyens sont limités et la reconstruction mobilise des ressources considérables. Dans les années 1950, les dépenses militaires sont lourdes. En conséquence, les prestations restent faibles et certaines populations (les non-salariés surtout) ne sont pas couvertes.

Les résistances politiques ne sont pas négligeables non plus, en particulier de la part des milieux conservateurs, qui craignent un empiètement de l’Etat sur les libertés économiques et des professions médicales soucieuses de leur indépendance. Il faudra l’expansion des « trente glorieuses » pour que l’ambition de 1945 devienne peu à peu réalité. Mais l’essor repose sur un équilibre fragile : croissance, plein-emploi, situation démographique favorable.

Ces conditions sont fragilisées, à partir des années 1970, avec le ralentissement économique, la montée du chômage, puis, à la fin du siècle, le vieillissement de la population et la mondialisation. Cela ouvre un nouveau chapitre, fait de réformes, de débats et de doutes sur la soutenabilité du modèle. Malgré les remises en cause, l’Etat-providence constitue encore aujourd’hui un pilier des sociétés occidentales, notamment européennes, mobilisant des sommes considérables (plus de 33 % du produit intérieur brut en France).


Publié le 08 mai 2025