Interview de Kofi Annan
Romuald Sciora : Quels ont été selon vous les échecs les plus importants de l'Organisation [des Nations Unies] depuis votre élection ?
Kofi Annan : L'Irak, bien sûr... J'avais toujours gardé l'espoir que les Nations Unies pouvaient éviter la guerre en contrôlant la crise de façon pacifique. Hélas, cela n'a pas été le cas et de profondes divisions entre les Etats sont apparues. Elles se résorbent lentement, mais l'épisode irakien a incontestablement rompu l'harmonie qui prévalaient auparavant entre les Etats membres. L'autre échec est représenté par l'incapacité d'intervenir dans des situations désespérées. Après la tragédie du Rwanda, on avait dit "plus jamais ça". Pourtant, l'histoire se répète aujourd'hui au Darfour, où nous avons tant tardé à agir (...).
R.S. : Une partie de l'opinion mondiale reproche à l'Onu d'être inféodée à l'Amérique. Aux Etats-Unis, en revanche, nombreux sont ceux qui estiment que les Nations Unies ne prennent en compte que les intérêts des pays en développement. Comment expliquez-vous ces sentiments contradictoires ?
K.A. : Du fait de leur poids politique, les Etats-Unis jouent un rôle très important au sein des Nations Unies mais ils ne sont qu'un pays sur 190. Ils doivent souvent aller plaider leur cause auprès des autres nations ; cela s'est particulièrement vérifié dans l'affaire irakienne, où Washington n'a pas réussi à convaincre certains des autres membres du Conseil de Sécurité de soutenir la guerre en Irak (...). Les Etats-Unis,qui contribuent à hauteur de 22% au budget de l'Onu environ, ont un vote égal aux pays qui contribuent à 0.1% de ce même budget.
Romuald Sciora (dir.), L'Onu dans le nouveau désordre mondial, Les Editions de l'Atelier, 2015