Publié le 26 février 2021 Le Monde
Le chantier du pipeline qui doit relier la Russie à l’Allemagne est déjà bien avancé. Berlin s’arc-boute sur ce projet dénoncé par les pays les plus critiques envers Moscou, qui redoublent d’arguments avec l’affaire Navalny.
(..)Nord Stream 2, dont la construction devait s’achever fin 2019, doit permettre au géant russe Gazprom d’acheminer annuellement 55 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe. Le projet, dont le coût total s’élève à 9,5 milliards d’euros, est financé à moitié par Gazprom et à moitié par cinq groupes européens : le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l’autrichien OMV et l’anglo-néerlandais Shell. Ces derniers devaient à l’origine participer à la construction, mais, étant donné les difficultés diplomatiques, ils se sont résolus à ne prendre part qu’aux opérations financières.(...)
Nord Stream 2 a, en apparence, tout d’un chantier classique et doit dupliquer Nord Stream 1, qui alimente sans histoire l’Europe en gaz depuis 2012. Le projet est toutefois au cœur de trois batailles, désormais. Politique, avec la défiance de certains pays membres envers la Russie ; commerciale, avec la « guerre » autour du gaz qui oppose les Etats-Unis et la Russie ; énergétique, avec une zizanie interne à l’Union européenne quant à la ligne à suivre sur la coopération dans ce domaine avec le Kremlin.(..)
A Bruxelles, c’est l’intérêt des infrastructures gazières elles-mêmes qui est désormais débattu. Dans les négociations sur le Green Deal (« pacte vert »), plusieurs groupes politiques ont plaidé pour la fin des investissements dans des gazoducs, seules la gauche radicale et l’extrême droite russophile soutenant ouvertement Nord Stream 2. Quant à Werner Hoyer, le président de la Banque européenne d’investissement, il estimait, fin janvier, que, « pour dire les choses simplement, le gaz, c’est terminé ».
De quoi influer sur le projet Nord Stream 2 et s’interroger sur la place à réserver à cet hydrocarbure dans la transition énergétique européenne. La consommation de gaz naturel produit des gaz à effets de serre et contribue activement au changement climatique. Moins que le charbon, cependant, ce qui permet aux lobbys défenseurs du gaz d’affirmer que cette énergie est nécessaire, au moins pour une durée donnée, pour atteindre les objectifs climatiques. A l’inverse, les écologistes estiment qu’investir dans le gaz aujourd’hui risque d’enfermer les Européens dans un usage important de cet hydrocarbure à long terme