Une UE connectée au monde
Thème 3 Geographie L'Union Européenne dans la mondialisation : des dynamiques complexes

Norstream 2, une pièce maitresse de la stratégie de l'UE dans la relation de voisinage ou un risque géopolitique ?


Nord Stream 2 : le gazoduc de la discorde
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Qu’est-ce que le controversé Nord Stream 2 ?
Nord Stream 2 est un projet d’exportation de gaz naturel russe vers l’Allemagne. C’est un gazoduc qui reliera la Russie à l’Allemagne en passant sous la mer Baltique. C’est un très gros projet dont le coût est évalué à environ 10 milliards d’euros et qui associe le russe Gazprom, géant mondial du gaz, à cinq sociétés européennes, dont deux sociétés allemandes, la française Engie et le Royal Dutch Shell.
Pourquoi les États-Unis interviennent-ils dans cet accord passé entre l’Allemagne, l’Union européenne et la Russie ?
Les États-Unis se mêlent de beaucoup de choses, parce qu’ils sont la première puissance mondiale. C’est peut-être l’aspect le plus facile de la réponse sur ce point-là. Ils estiment que l’Union européenne est déjà assez dépendante du gaz russe et vis-à-vis de Gazprom, un groupe contrôlé majoritairement par le Kremlin. Selon Gazprom, sa part de marché en Europe et en Turquie est évaluée à 35%. Si Nord Stream 2 entre en fonction dans les prochains mois et si la Russie achève ce qui est en train d’être le cas, un autre projet de gazoduc, Turk Stream, qui reliera la Russie, la mer noire, la Turquie, puis la Grèce et donc l’Union européenne, cela lui permettra de vendre beaucoup plus de gaz à l’Europe et d’augmenter sa part de marché sur le marché gazier européen. À Washington, l’administration Trump craint que cela ne permette à la Russie d’avoir une capacité d’influence sur l’Union européenne, en utilisant éventuellement le gaz comme une arme géopolitique sur Bruxelles et les grandes capitales européennes.
La Russie compte-t-elle utiliser son gaz comme levier d’influence en Europe ?
Il y a ce qui est explicite et ce qui est implicite dans le domaine de l’influence autour de l’énergie. Notamment autour du gaz naturel. La Russie souligne très souvent et depuis des dizaines d’années, qu’elle fournit beaucoup de gaz à l’Union européenne sans avoir jamais coupé ses exportations, en dépit de certains désaccords. C’est parfaitement vrai. Du côté américain, on estime que lorsque vous êtes très dépendant d’un fournisseur de gaz comme la Russie, cette dernière n’a pas forcément besoin d’utiliser l’arme énergétique en tant que telle. Le simple fait de bénéficier de cette ressource sans encombre peut vous faire faire inconsciemment ce que l’on attend de vous. Pour Washington, les Européens vont s’autocensurer parce qu’ils ont peur, du fait d’une dépendance croissante par rapport au gaz russe, que la Russie puisse un jour utiliser l’arme gazière. Nous sommes face à deux discours, deux rationalités différentes.
nterview de Francis Perrin - TV5-Monde 22 decembre 2019 , IRIS

Nord Stream 2, le gazoduc russe qui sème la zizanie en Europe

Par Jean-Pierre Stroobants , Faustine Vincent , Benoît Vitkine , Nabil Wakim et Thomas Wieder

Publié le 26 février 2021 Le Monde

Le chantier du pipeline qui doit relier la Russie à l’Allemagne est déjà bien avancé. Berlin s’arc-boute sur ce projet dénoncé par les pays les plus critiques envers Moscou, qui redoublent d’arguments avec l’affaire Navalny.

(..)Nord Stream 2, dont la construction devait s’achever fin 2019, doit permettre au géant russe Gazprom d’acheminer annuellement 55 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe. Le projet, dont le coût total s’élève à 9,5 milliards d’euros, est financé à moitié par Gazprom et à moitié par cinq groupes européens : le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l’autrichien OMV et l’anglo-néerlandais Shell. Ces derniers devaient à l’origine participer à la construction, mais, étant donné les difficultés diplomatiques, ils se sont résolus à ne prendre part qu’aux opérations financières.(...)

Nord Stream 2 a, en apparence, tout d’un chantier classique et doit dupliquer Nord Stream 1, qui alimente sans histoire l’Europe en gaz depuis 2012. Le projet est toutefois au cœur de trois batailles, désormais. Politique, avec la défiance de certains pays membres envers la Russie ; commerciale, avec la « guerre » autour du gaz qui oppose les Etats-Unis et la Russie ; énergétique, avec une zizanie interne à l’Union européenne quant à la ligne à suivre sur la coopération dans ce domaine avec le Kremlin.(..)

A Bruxelles, c’est l’intérêt des infrastructures gazières elles-mêmes qui est désormais débattu. Dans les négociations sur le Green Deal (« pacte vert »), plusieurs groupes politiques ont plaidé pour la fin des investissements dans des gazoducs, seules la gauche radicale et l’extrême droite russophile soutenant ouvertement Nord Stream 2. Quant à Werner Hoyer, le président de la Banque européenne d’investissement, il estimait, fin janvier, que, « pour dire les choses simplement, le gaz, c’est terminé ».

De quoi influer sur le projet Nord Stream 2 et s’interroger sur la place à réserver à cet hydrocarbure dans la transition énergétique européenne. La consommation de gaz naturel produit des gaz à effets de serre et contribue activement au changement climatique. Moins que le charbon, cependant, ce qui permet aux lobbys défenseurs du gaz d’affirmer que cette énergie est nécessaire, au moins pour une durée donnée, pour atteindre les objectifs climatiques. A l’inverse, les écologistes estiment qu’investir dans le gaz aujourd’hui risque d’enfermer les Européens dans un usage important de cet hydrocarbure à long terme