L'Inde, leader du tiers-monde à Bandung
"Nous étions à la traîne et nous le sommes toujours. Nous avons été laissés pour compte dans la course, dans la course mondiale, et maintenant nous avons une nouvelle chance de nous reprendre. (...) Nous sommes résolus (...) à ne pas nous laisser dominer d'aucune façon par quelque pays ou continent que ce soit ; deuxièmement, à faire des progrès dans le domaine économique, dans le domaine social; (...) à mettre fin aux chaînes séculaires qui nous ont liés, qui sont certes politiques - vous les appelez à juste titre le colonialisme - mais aussi aux chaînes de notre propre fabrication, qui sont encore resserrées. (...) Mais l'Asie est aujourd'hui habitée par un autre esprit, comme chacun le sait, parce que l'Asie aujourd'hui (...) n'est pas soumise, l'Asie ne tolère plus les choses qu'elle a tolérées pendant si longtemps. (...) Il existe de grands pays dans le monde qui aiment volontiers avoir des amis dociles (...). Eh bien, s'il y a bien une chose que l'Asie souhaite leur dire, c'est bien celle-ci : il n'y aura plus de diktat à l'avenir. (...) C'est pourquoi nous élevons nos voix contre la domination et le colonialisme dont beaucoup d'entre nous ont souffert pendant si longtemps (...). Nous devons vivre ensemble et coopérer dans ce monde moderne qui tend vers l'idée de parvenir à un monde unique. (...) Que sommes-nous ? Nous sommes des Asiatiques ou des Africains. Nous ne sommes personne d'autre, et le fait que quelqu'un nous dise que nous devons nous placer dans le camp de la Russie ou de l'Amérique ou de tout autre pays d'Europe, n'est pas vraiment respectable, si je peux l'exprimer ainsi, pour notre nouvelle dignité, notre nouvelle indépendance, notre nouvelle liberté, notre nouvel esprit et notre nouvelle autonomie. (...) La tragédie de l'Afrique dépasse toute autre tragédie (...) et c'est à l'Asie de venir en aide à l'Afrique, du mieux qu'elle le peut, parce que nous sommes des continents frères."
Discours de clôture de la conférence de Bandung prononcé par Jawaharlal Nehru le 24 avril 1955.