« Si, sous la IVe République,le gouvernement était comme dissous dans l'Assemblée, il est aujourd'hui dissous dans la personne du chef de l'État. Un homme seul
conçoit la politique, décide et ordonne. […]
Les membres du Parlement, partageant avec le gouvernement l'initiative législative, […] chaque Assemblée est maîtresse de son ordre du jour.
Toutefois, le gouvernement peut, lui aussi, faire inscrire à l'ordre du jour les projets auxquels il tient, sans aller jusqu'à encombrer l'emploi du temps parlementaire, au point de le monopoliser. […] Le gouvernement qui sollicite l'investiture parlementaire le fait sur la base d'un programme de travail précis et concret, comportant l'énumération des mesures qu'il entend prendre et un calendrier de réalisation. […]
Dès lors que le gouvernement et le Parlement sont face à face, chacun avec ses prérogatives, que l'Assemblée nationale a le droit de censurer le gouvernement, mais que ce dernier peut en appeler au pays en dernier ressort, la présence d'un arbitre supérieur, gardien de la Constitution et symbole de l'équilibre organisé, devient, de toute évidence, nécessaire. On est ainsi conduit à distinguer le rôle de chef de l'État de celui de chef du gouvernement, et à rétablir un président de la République sans responsabilité politique directe, comme c'est le cas
dans tous les pays de démocratie parlementaire. »
Pierre Mendès France, Pour une République moderne (1955-1962), Gallimard, 1962